Le train rose

24/03/2014 22:21

Joséphine s’était endormie, la tête appuyée contre le dossier de la banquette. La foule, impatiente de voir arriver le train, bruissait dans la salle d’attente. La jeune fille - la chevelure flamboyante et le visage constellé de taches de rousseurs - portait un anorak bleu qui contrastait avec la mini-jupe écossaise plissée et les socquettes dépassant à peine de ses petits souliers vernis. Elle tenait sagement une sacoche sur ses genoux. Mais au bout de quelques minutes, la pression des mains se relâchant, le porte-documents glissa sur le sol carrelé. Joséphine, perdue dans ses rêves, ne s’en rendit pas compte et poursuivit son voyage onirique.

Dans son rêve, il y avait un train rose, tiré par une locomotive dont la cheminée crachotait des fleurs. Le convoi s’arrêta en gare et Joséphine escalada le marchepied de la deuxième voiture qui se transforma aussitôt en landau pour nourrisson. Elle en prit les commandes et le landau s’envola au-dessus d’une ligne à haute tension à laquelle pendaient, accrochés par la queue, des poissons dorés.

La jeune fille ne saurait jamais ce que ces poissons faisaient là, réveillée par le haut-parleur de la salle d’attente qui tonitruait : « Le train pour Marseille va entrer en gare dans quelques instants. »

Joséphine se frotta les yeux, s’étira nonchalamment. Du plat de la main elle remit en place les plis de sa jupe et ramassa sa sacoche. Elle suivit la foule qui se dirigeait vers le quai. Une foule devenue silencieuse et terne.

Les gens gesticulaient, ouvraient et fermaient la bouche mais pas le moindre son ne parvenait aux oreilles de la jeune fille. Les couleurs chamarrées qu’arboraient les voyageurs peu avant avaient laissé place à un gris uniforme. Rêves ou réalité, se demanda Joséphine. Elle se pinça - bêtement reconnut-elle : « Peut-être rêvé-je que je me pince et ce n’est donc pas la preuve que je suis éveillée. Un rêve, c’est incohérent », finit-elle par conclure, « alors je vais vérifier la logique de ce qui m’arrive. »

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