La nabote qui voulait grandir

Avec les cheveux filasse d’où émergeaient d’immenses oreilles, Joséphine était parfaitement dans la lignée féminine de sa famille. Sa mère était laide, sa grand-mère était laide et ses aïeules l’étaient tout autant. Joséphine avait aussi les yeux glauques lavasses. En les fixant, on pouvait peut-être penser à un marécage. Surmontés des deux lignes tordues des sourcils, il en suintait un désespoir à peine corrigé par le discret sourire d’une bouche émaciée, en permanence ouverte sur des dents jaunâtres. Quant au nez, Cyrano de Bergerac en auraient éprouvé une certaine jalousie.

La pauvre fille avait en plus une petitesse qui la rendait quasiment naine avec sa grosse tête et ses membres courts. Elle était l’aboutissement de la laideur familiale à tel point qu’on pouvait espérer que la malédiction s’arrête là. L’expiation d’on ne savait quel péché devrait bien arriver à expiration après Joséphine. On pouvait espérer que ses propres filles seraient belles, pas forcément magnifiques, simplement belles. Mais quel garçon sensé aurait voulu lui faire des enfants ?